Octobre Rose et après ?!

Les tracteurs pulvérisateurs et leurs molécules chimiques empoisonnantes sont rentrés au garage, la saison de traitement des vignes est derrière nous, la suivante semble loin. Les vignes récemment vendangées entrent en repos végétatif, les couleurs d’automne et la douceur des températures invitent à la promenade dans une campagne plus apaisante que jamais.  

Aucune ombre à ce tableau bucolique, si dans 6 petits mois le ballet mortifère des pieuvres dispersant leur nuage de gouttelettes Cancérigènes, Mutagènes, Reprotoxiques, Perturbatrices Endocriniennes, SDHI et QOSI ne reprenait pas. 

Adieu promenades improvisées, itinéraires aléatoires, pratique sportive insouciante, sorties familiales gaies et légères, jouissance délibérée de son espace jardin. Place à l’anticipation, au repérage olfactif et au guet du moindre bruit de tracteur, à la méfiance.  

Les habitants de Listrac seront-ils mieux informés que jusqu’à présent ? Les molécules les plus dangereuses, c’est-à-dire classées par l’ANSES ou l’EFSA (Agences de sécurité sanitaire nationale et Européenne), seront-elles bannies des parcelles de vigne les plus proches des lieux de vie ?!

Aucun indice favorable en ce sens. Les doléances de la population, les messages mêlant lassitude et inquiétude, sont déjà aux oubliettes. 

En ces premiers jours d’automne, les esprits ont revêtu leur couleur guimauve. Comme chaque année, le mois d’octobre et sa conscience s’habillent de rose. Un rose anesthésiant. Oubliés les autres cancers. La prostate, les poumons, le cerveau c’est quand même moins glamour et mobilisant que des seins. Renvoyés aux calendes grecques les causes et leurs discours peu réjouissants. Le Rose c’est l’enfance, l’innocence, la légèreté. C’est quand même plus marrant de s’habiller de rose que de noir, puis un ruban rose c’est plus vendeur. Parce que si on peut en même temps soigner le marketing, what else ?! Je soutiens Octobre rose, donc je suis !

Sauf que cette rose attitude n’a jamais rapporté directement à un malade du cancer surtout s’il n’a pas tiré le bon numéro à la loterie de la maladie, mais bien à un commerce opportuniste et à une industrie chimique. Pour comprendre il faut remonter aux origines de cette opération. Née aux Etats-Unis en 1985, elle était alors soutenue par l’American Cancer Society et Imperial Chemical Industries. Elle arrive en France en 1994 fruit d’une collaboration entre le groupe Estée Lauder et le magazine Marie-Claire. Ce qu’il faut savoir c’est qu’Imperial Chemical Industries (ICI) est une des plus grandes entreprises chimiques au monde, produisant des produits plus cancérigènes les uns que les autres ! C’est un peu le Bayer d’Octobre Rose, je répands la maladie et dans le même temps je me donne bonne conscience, en prétextant aider les malades mais surtout en diversifiant mes activités et mes sources de dividendes. Parce qu’Octobre Rose c’est aujourd’hui avant tout une opération commerciale.  Toutes les marques y vont de leur inventivité pour s’y associer et vendre toujours plus de produits sous l’égide du ruban rose.Vous connaissez le greenwashing qui consiste à verdir ses activités pour vendre ? Bienvenue au Pinkwashing, qui vous lave le cerveau plus rose que rose !

Sous prétexte de contribuer au financement de la recherche beaucoup seraient prêts à céder à cet opportunisme commercial. Pourtant, s’il y en a qui n’ont pas besoin de vos piécettes ce sont bien les laboratoires pharmaceutiques. Entre la vente de médicaments dont des chimiothérapies, toujours plus chers, les sur diagnostics induisant la vente de toujours plus de traitements, et le fait que certains fabriquent et vendent aussi des pesticides et autres produits chimiques responsables de l’explosion du nombre de cancers, leur santé à eux ne sait jamais aussi bien portée. 

Difficile pour les non initiés à ce commerce morbide, de croire à tant de mauvaises intentions derrière le si joli ruban rose. D’autant plus que certaines associations œuvrent sincèrement toute l’année, pour aider et accompagner les femmes atteintes du cancer du sein, dont la précarité et les difficultés ne concernent pas que le mois d’octobre. Alors pourquoi attendre le ruban rose pour agir ? Et pourquoi ne pas déployer autant de temps et d’énergie à lutter contre les causes ? Parce que soigner et accompagner les malades c’est indispensable mais agir en amont pour que les petites filles et les adolescentes d’aujourd’hui ne soient pas les malades de demain l’est tout autant. Mais des campagnes d’Octobre Rose les causes du cancer sont totalement absentes, il ne faudrait pas prendre le risque de refermer cette boîte de Pandore. 

Octobre Rose et après ?

Sur la commune de Listrac ou ailleurs sur le Médoc, le mois d’octobre va-t-il laisser place à un mois de novembre dédié au cancer des poumons ? un mois de Décembre aux bébés sans bras ? Parce qu’il y en a aussi sur notre commune de plus de 4 millions de pieds de vigne comme des leucémies, des cancers des os, de la prostate et des tumeurs cérébrales. 

Autant de pathologies dont le lien avec l’exposition aux pesticides pulvérisés sur les vignes ne fait plus débat. 

Quelles mesures seront mises en place pour protéger la population lors de la prochaine saison de traitement ? Qu’est ce qui sera fait pour éviter que les enfants des écoles listracaises/médocaines ne viennent dans 10 ou 20 ans grossir les statistiques des malades du cancer ? 

La viticulture médocaine lave sa conscience et allège ses impôts en finançant l’institut Bergonié centre anti cancer bordelais et en donnant les bouchons en liège à l’association Agir Cancer Gironde. Un engagement de la municipalité listracaise sur fond d’octobre rose non suivi de prise de mesures de protection de sa population face aux poisons que constituent les pesticides, serait du même ressort. Je ne peux m’y résoudre.

Marie-Lys Bibeyran.